Le sort d’environ 200 jeunes Mauritaniennes parties travailler en Arabie saoudite mais qui auraient en fait été réduites en esclavage suscite des inquiétudes en Mauritanie.
L’alerte est venue de l’une de ces jeunes femmes qui a pu contacter sa mère et l’Association des femmes chefs de famille (ACFC). Agée de 25 ans, cette jeune femme que nous appellerons Coumba leur a raconté les sévices qu’elle subit, comme plusieurs de ses compatriotes.
Elle croyait partir enseigner, mais une fois en Arabie saoudite, Coumba a été forcée de faire le ménage des heures durant, battue et séquestrée, a-t-elle raconté à sa mère, grâce à un téléphone caché à ses employeurs. Des sévices subis par au moins trois de ses compatriotes, dont l’une, selon Coumba, a été violée.
Soutenue par la défenseur des droits humains et présidente de l’ACFC (Association des femmes chefs de famille) Aminetou Mint el-Moctar, sa mère a déposé plainte il y a quinze jours pour maltraitance et séquestration. Sur la base de plusieurs témoignages, Aminetou Mint el-Moctar estime qu’environ 500 jeunes femmes ont été approchées par des rabatteuses, dont quelques 200 seraient déjà sur place.
Toutes sont issues d’une communauté très pauvre et souvent marginalisée, les Haratines, les descendants d’esclaves. La police judiciaire a ouvert une enquête. Auditionnée la semaine dernière, la chef de filière présumée a été relâchée.
« Ce n’est pas un phénomène nouveau en Mauritanie, mais sous cette forme c’est une nouveauté parce qu’avant il y a eu la traite des jeunes filles et des petites filles de familles très pauvres qu’on emmène en Arabie saoudite pour les vendre pour des mariages. Mais elles n’étaient pas venues pour le travail, souligne Aminetou Mint el-Moctar. C’est en général des Mauresques blanches. Elles sont emmenées par des réseaux ou par des individus. On dit à la famille que la fille va étudier, puis se marier et on fait miroiter de l’argent aux familles pauvres. Pour les plus petites, entre 4 et 14 ans, 10 millions d’ouguiyas (près de 28 000 euros), plus vieilles que ça, 7 millions d’ouguiyas (plus de 19 000 euros) et le mariage d’un point de vue religieux à une certaine considération.
Aujourd’hui ce sont des Haratines, des descendants d’esclaves. Parfois ce sont les parents qui envoient leur fille, mais parfois aussi c’est le choix des jeunes filles pour trouver un avenir meilleur. Mais on leur promet un travail dans des hôpitaux, des jardins d’enfants. Arrivées là-bas, elles sont recrutées comme bonnes à tout faire, en plus de l’exploitation physique et sexuelle. Donc c’est de l’esclavage moderne en réalité. »
Aminetou Mint el-Moctar a peur que cette plainte n’aboutisse pas. La mère de Coumba pourrait la retirer car elle fait face à des pressions et des offres d’argent selon Aminetou qui craint aussi que l’enquête soit enterrée. « Envoyer autant de filles, faire des passeports, des visas même par petit groupe, cela ne peut pas passer inaperçu. Cette femme doit bénéficier de complicités dont certaines sont sans doute bien placées », souligne-t-elle.
Face à l’émoi provoqué par la plainte, les employeurs ont placé Coumba dans une famille mauritanienne en Arabie saoudite et négocient son retour en Mauritanie. Mais l’inquiétude est grande pour les autres jeunes Mauritaniennes, dont les familles sont sans nouvelles.