Il a 12 ans, cet adolescent blond, des grelots aux chevilles et une jupe brodée de perles, Kyle Todd danse pieds nus sur les rythmes endiablés de percussions: il officie comme « sangoma », médium et guérisseur traditionnel en Afrique du Sud, fait rarissime pour un Blanc dans ce pays.
« J’adore la danse parce que ça facilite le contact avec les ancêtres », explique Kyle Todd, un jeune homme élancé à la voix douce.
Tout a commencé par des rêves prémonitoires. Au début, les parents de Kyle mettent ces « visions » sur le compte du temps qu’il passe devant le petit écran, avant de changer d’avis. « J’ai d’abord eu des visions. J’ai pensé que je faisais des rêves ou des cauchemars », raconte Kyle, qui affirme avoir prédit les attaques xénophobes qui ont secoué l’Afrique du Sud en avril 2015, faisant au moins 7 morts.
Dans un pays où la médecine traditionnelle est dominée par la majorité noire, Kyle fait office d’exception. Il doit être « le sangoma blanc le plus jeune », estime Phephisile Maseko, coordinateur de l’Organisation sud-africaine des guérisseurs traditionnels, forte de 69.000 membres.
Les sangomas, très respectés par la population sud-africaine noire, sont consultés pour des maladies physiques et psychiques. Les adeptes de la médecine traditionnelle leur prêtent aussi des pouvoirs divinatoires.
Chez lui, Kyle est un ado comme les autres, scotché à la télévision et aux jeux vidéo. Mais ce week-end, il a troqué sa console de jeux X-Box contre un petit bâton traditionnel, décoré de perles, et son jean et ses baskets pour une jupe multicolore. A Mamelodi, un township de la banlieue de Pretoria où il consulte, il reçoit un couple de patients, inquiets notamment de leur avenir professionnel.
La femme jette à même le sol le contenu d’un petit sac en peau de bête: dés, coquillages, os et pièces. Assis sur un tapis en roseau dans une pièce remplie de bocaux de plantes, Kyle se lance immédiatement dans la lecture des objets, dictée par leur disposition.
Au terme d’une consultation de 30 minutes qui coûte 100 rands (6 euros), la patiente, Philda Demas, une Sud-Africaine noire de 51 ans, se dit satisfaite. « Il était si fort », affirme-t-elle. « Les guérisseurs âgés ne disent pas tout, ils ont peur de dire toute la vérité, alors que les jeunes ne savent pas ce qu’ils doivent partager ou pas, ils vous disent tout ce qu’ils voient ».
Kyle assure ne pas avoir choisi de devenir sangoma. Il explique avoir pris conscience de ses pouvoirs il y a quelques années, en accompagnant chez un sangoma son père qui souffrait des reins.
Avant même de suivre une formation, Kyle était déjà capable de lire « avec précision » dans les os, affirme son mentor, Solly Mathebula, 36 ans. L’an dernier, pendant plusieurs mois, il a suivi un enseignement « éreintant », selon Solly: jeûne, cours sur le pouvoir des plantes, longues marches dans la montagne…
Depuis qu’il est devenu officiellement guérisseur en 2014, sa popularité ne cesse de grandir, assure Solly: « Des gens m’appellent de toute l’Afrique du Sud et du monde » pour le consulter.
Le jeune garçon ne reçoit cependant pas le même accueil enthousiaste dans son quartier à majorité blanche de Musina, une localité du nord de l’Afrique du Sud, où il vit avec ses parents, son frère et sa sœur.
Dans l’immédiat, l’adolescent consulte au cas par cas. Ses parents insistent pour qu’il termine sa scolarité et étudie la pharmacie et la science des plantes. Plus tard peut-être, selon son père, « il pourra combiner les deux ».