Depuis les petits tribunaux de province jusqu’à la Cour suprême de la capitale Abuja, les rouages de la justice tournent au ralenti au Nigeria et paralysent dans leur lenteur la guerre contre le cancer du pays: la corruption.
« La patience est la réponse à tout », dit-on souvent au Nigeria. Elle est sans aucun doute une fatalité lorsque les affaires sont ajournées à l’infini pour défaut de document, de fonctionnaire, de témoin ou même d’accusé.
Les ouvertures de procès pourraient ressembler au scénario monotone du film « Un Jour sans fin ». Ce système judiciaire dysfonctionnel n’est pas nouveau. Mais il devient particulièrement problématique alors que les prochaines élections de 2019 se rapprochent.
Le chef du pouvoir judiciaire nigérian, Walter Onnoghen, a révélé récemment que 1.124 affaires de corruption étaient actuellement jugées devant les tribunaux du pays. Pour certains, c’est le signe que le président Muhammadu Buhari applique sa principale promesse de campagne en sévissant avec fermeté contre ce « cancer » qui gangrène l’économie et l’administration du géant pétrolier.
N’avait-il pas promis, lors de sa campagne électorale de 2015, que la corruption n’aurait « pas sa place » au Nigeria ? Des dizaines de personnalités de haut rang – dont beaucoup de membres de l’administration de l’ancien président Goodluck Jonathan ou des membres de son parti désormais dans l’opposition (le Parti démocratique populaire, PDP) – ont depuis été inculpées et jugées.
Mais il y a eu jusqu’à présent plus d’arrestations, de plaintes et d’enquêtes que de condamnations. Buhari, âgé de 74 ans, reconnaît les problèmes bien connus de lenteur, de manque de moyens et de sous-effectifs dans les tribunaux, ainsi que la nécessité d’une réforme institutionnelle.
Des progrès substantiels pour rattraper les retards accumulés avant 2019 constitueraient donc un vrai « défi », estime Idayat Hassan, qui dirige le Centre pour la démocratie et le développement à Abuja.
« Beaucoup de juges n’ont guère d’expérience dans les affaires de corruption ou ont été compromis, voire incités à ralentir les affaires », assure de son côté Matthew Page, ancien diplomate américain et spécialiste du Nigeria.
Mais au cours de la campagne électorale de 2015, Buhari et son parti All Progressives Congress (APC) avaient promis de réformer la police et le système judiciaire.
Ils se sont aussi engagés à renforcer les principaux organes de lutte contre la corruption, la Commission des crimes économiques et financiers (EFCC) et la Commission indépendante sur les pratiques de corruption (CIPC).