Depuis plusieurs jours, l’alliance annoncée entre Cellou Dalein Diallo et Moussa Dadis Camara secoue la vie politique guinéenne. Une alliance surprise entre deux hommes que rien ne semblait pouvoir rapprocher, si ce n’est la quête du pouvoir.
«En politique, le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal». Cellou Dalein Diallo a-t-il lu les œuvres de Nicolas Machiavel avant de sceller son alliance surprise avec Moussa Dadis Camara? Toujours est-il qu’il justifie cette alliance par des raisons de stratégie politique.
Le pire, à ses yeux, est l’isolement politique à l’approche de la présidentielle d’octobre prochain, et le moindre mal serait donc une alliance avec un homme qu’il a rendu moralement responsable du massacre du stade du 28 septembre, en 2009.
On ne peut pas dire que le leader de l’UFDG voue une admiration sans bornes à l’ex-chef de la junte, et s’il reconnaît aujourd’hui « partager avec lui un certain nombre de vues », il précise « faire alliance avec un parti avant de la faire avec un homme ». C’est donc en premier lieu l’électorat potentiel de la Guinée forestière que vise le chef de file de l’opposition.
Il est vrai que la défection de son allié aux dernières législatives, Sidya Touré, a laissé un vide béant dans la muraille politique que compte ériger Dalein en vue de la prochaine présidentielle. Il lui fallait un remplaçant, ne serait-ce que pour prouver à ses adversaires du RPG qu’ils ne pourront pas renouveler la sainte alliance anti-UFDG telle qu’elle fut mise sur pied par Alpha Condé entre les deux tours de la présidentielle de 2010.
Par ailleurs, comme tous les autres leaders politiques, Cellou Dalein Diallo courtise le vote des forestiers. La politique guinéenne s’étant construite sur des bases régionales, chaque région a son leader naturel. Cependant, Jean-Marie Doré, natif de la préfecture de Lola en Guinée forestière, est vieillissant, et les autres leaders forestiers n’ont pas encore suffisamment de surface politique pour espérer peser sur les débats. La région est donc un bassin à prendre. Dalein fait le pari qu’en s’alliant avec Dadis Camara, il pourra récupérer à son profit la popularité de l’ex-putschiste au sein de sa communauté, la communauté guerzé. Un pari qui reste cependant à réussir, rien ne prouve en effet qu’un éventuel report de voix puisse fonctionner entre les électeurs et militants de ces deux formations. Aucune alliance de ce type n’ayant existé dans un passé récent.
Cependant, les réactions des adversaires de cette alliance trahissent les inquiétudes que certains nourrissent. Le député du PRG, la formation d’Alpha Condé, Amadou Damaro Camara, estime que « Dalein a perdu son âme ». Et ce cacique lettré de citer dans la presse guinéenne l’ancien ministre du général de Gaulle, André Malraux : « On ne fait pas de politique avec la morale, mais on n’en fait pas davantage sans elle ».
Cette question morale, l’UFDG refuse pour l’heure de se la poser. Et Cellou Dalein Diallo n’entend pas non plus qu’elle soit posée par ses adversaires. Il n’a pas oublié les évènements du 28 septembre 2009, au stade éponyme, lorsque les soldats de la junte de Dadis Camara ont tué 157 personnes, violé plus d’une centaine de femmes et attenté à la vie des chefs de l’opposition. Dalein, qui a eu quatre côtes brisées et qui a frôlé la mort, a même rendu publiquement Moussa Dadis Camara moralement responsable de ces évènements.
Aujourd’hui, il se réfugie derrière l’inaction de la justice guinéenne. « Ce n’est pas à moi, mais à la justice de désigner les coupables », affirme-t-il. Signe d’un certain inconfort, il pointe le doigt en direction du président Condé qui, souligne-t-il, n’a pas suspendu de leurs fonctions des soldats pourtant inculpés par la justice guinéenne pour leur rôle dans le massacre de 2009, comme le colonel Claude Pivi. Mais si l’attaque est une forme de défense, elle ne règle pas la question de la moralité politique de cette alliance que certains militants de l’UFDG se posent aujourd’hui.