« Même quand c’est le mari qui nous contamine, aux yeux des gens, femme plus sida égalent p… » a dénoncé Sihem l’air stigmatisé à l’instar de nombreuses Algériennes qui vivent le mal du VIH-Sida (virus de l’immunodéficience humaine) et celui des mauvaises langues.
En 2014, l’Algérie a enregistré 845 cas d’infection par le VIH, dont 410 femmes. La quasi-majorité d’entre elles ont été contaminées par leur conjoint, selon Onusida. Agée de 30 ans, Sihem a divorcé il y a dix ans. « J’ai rapporté dans mes bagages le VIH », dit cette jolie brune à la longue chevelure, en soulignant avoir peu d’espoir de refaire sa vie. « Mon mari, qui m’a contaminée, a raconté partout que j’avais le sida », confie-t-elle la voix nouée et les yeux embués. Aux yeux de la société, si son mari l’a « renvoyée » au bout de six mois, c’est qu’elle était fautive. L’homme, lui, est « au-dessus de tout soupçon », dit-elle avec amertume.
L’Algérie reste une société extrêmement conservatrice imprégnée des valeurs musulmanes. Le sida, maladie sexuellement transmissible (MST), y est considérée comme une maladie honteuse. Les familles cachent le fait qu’un de leurs membres, homme ou femme, soit atteint du VIH et quand il meurt du sida, elles préfèrent donner une autre explication.
Mais pour les femmes, l’opprobre est encore plus fort, car dans l’imaginaire collectif, cette maladie est la preuve d’infidélité conjugale ou de prostitution.Hayet, une couturière de 41 ans, a appris sa maladie il y a 20 ans lors de la naissance de sa fille. Celle-ci, atteinte du VIH, est morte à l’âge de trois mois et son mari un an plus tard.
Ses beaux-parents savaient que leur fils, ancien drogué, était contaminé, mais ont préféré garder le silence. A sa mort, ils ont estimé que « Je ne leur avais pas porté chance et qu’il était injuste que leur fils décède et pas moi », poursuit Hayet qui, veuve à 22 ans, n’a eu droit à aucune part de l’héritage.
Aïcha a divorcé en 2005 à 19 ans, quelques mois après un mariage arrangé. Son ex-mari n’a jamais reconnu l’avoir contaminée. « Sans le soutien de mes parents, je serais devenue folle », dit-elle au bord des larmes.Si elles acceptent de se confier, ces femmes préfèrent rester silencieuses au quotidien, car bien que victimes, elles sont, aux yeux de la société, coupables.
Pour les femmes, « le sida est le symbole du déshonneur, d’où une attitude de rejet et de stigmatisation », déplore Adel Zeddam, directeur d’Onusida en Algérie.
Une mise à l’écart qui a d’importantes répercussions. En effet, certaines de ces femmes « évitent de venir dans des services de prise en charge proches de leur résidence par peur d’être reconnues, et prennent ainsi le risque de ne pas suivre correctement leur traitement », ajoute M. Zeddam.